Il y a plusieurs définitions de l’individualisme, qui vont de l’égoïsme à la revendication libertaire. Mais il y a un lien entre l’individualisme et la forme et le destin des sociétés. On ne peut pas délier l’Homme de son milieu, des autres. Mais alors, comment garantir qu’une société où l’individualisme est poussé à son comble, soit juste ?
Individu ou groupe : qui privilégier pour le bonheur ?
Les principes défendus qui se retrouvent sont l’individualisme sont nombreux. On y retrouve la séparation public/privé et notamment la liberté économique. Ces postulats ont inspiré la doctrine du « laisser-faire » chère aux économistes libéraux. Le marché se chargera de trouver les équilibres. Le libéralisme politique de Michel de Montaigne (16ième siècle) s’exprime ainsi : « Les princes me donnent prou (« beaucoup ») s’ils ne m’ôtent rien, et me font assez de bien quand ils ne me font point de mal ; c’est tout ce que j’en demande ». Le libéralisme économique de Jean-Baptiste Say, qui fut une des figures de proue de l’économie française, lui fait dire : « À la tête d’un gouvernement, c’est déjà faire beaucoup de bien que ne pas faire de mal. » alors que pour l’homme politique et économiste Frédéric Bastiat, il faut « N’attendre de l’État que deux choses : liberté, sécurité. Et bien voir que l’on ne saurait, au risque de les perdre toutes deux, en demander une troisième ».
Moins d’État, est-ce plus d'égalité ?
Ces points de vue ont été utiles à l’émergence de ce qu’on appelle l’individu libéral. Mais la notion d’individualisme est ancienne : en s’opposant au monde pour s’ « isoler », le chrétien ne marque-t-il pas déjà l’avènement du règne de l’individu ? C’est déjà les balbutiements de l’individu comme valeur. Les notions de liberté et d’égalité, qui prennent pour étalon de mesure l’individu, sont à la source de la pensée de l’universalisme humaniste. Chez Thomas Hobbes, l’individu est la puissance qui peut dépasser et concurrencer son semblable dans son envie d’accéder au pouvoir, mais le Léviathan est la structure supérieure qui canalisera ces volontés de domination propres à l’homme dans l’état de nature. Aussi, la liberté et l’égalité sont perçues comme des valeurs communes, qui se renforcent l’une l’autre.
Dans sa Fable des abeilles (1714) Bernard Mandeville, La fable des abeilles (1714) met en avant une formule restée célèbre : « vices privés, bénéfices publics. » Dans la vision qu’a Mandeville de la société, l’individu est premier. Les hommes vivent en société pour satisfaire leurs besoins matériels, mais en retour, ces intérêts égoïstes débouchent sur une vertu sociale. Les actions des hommes ne peuvent pas être séparées en actions nobles et en actions viles : des intérêts égoïstes peuvent contribuer au bien public. Pour Mandeville, « l’individu est l’incarnation de l’humanité complète en soi ». Dans le domaine économique, un libertin agit par vice, mais « sa prodigalité donne du travail à des tailleurs, des serviteurs, des parfumeurs, des cuisiniers, (…), qui à leur tour emploient des boulangers, des charpentiers, etc…).
Nous pouvons en retenir que l’économie semble s’opposer à la morale. L’homo oeconomicus, l’homme moderne, ou l’individu, est un être de l’intérêt, mais en réalité, la rapacité et la violence de l’individu égoïste profitent à la société en général.
Alors, égoïsme ou pas ? chers lecteurs, sur ces quelques bribes de réflexion, je vous laisse à vous-même, vous faire des idées sur l’individualisme… en votre for intérieur.
Retrouvez ici l'article Noches de cólera en la ‘banlieue’: “No son disturbios, es una revuelta” paru dans le quotidien espagnol EL PAIS avec l'interview de Karim Bouhassoun
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